Introduction : L’expulsion générale des Andalous d’Espagne (1609-1614).
Le passage des expulsés par la France
Après la fin de la domination arabe en Espagne, les Andalous qui restèrent en Espagne furent appelés par les Espagnols : moriscos (maures christianisés), et maurisques ou morisques d'après les sources françaises.
Nous continuons, quant à nous, à les appeler Andalous, parce que les historiens arabes les ont toujours appelés ainsi. Et puis les Andalous ont défendu leur identité jusqu’au bout. La preuve est qu’ils furent tous expulsés d’Espagne. Car on n’arrivait pas à les christianiser complètement (aujourd’hui on dirait assimiler).
Ainsi, la majorité des Andalous expulsés d’Espagne partit au Maghreb. Le reste, un dixième environ, passa par la France. C’est de ces derniers qu’il s’agit dans la présente étude.
Dans un mémoire daté du 5 octobre 1598 et adressé au nouveau roi d’Espagne Philippe III, celui-là même qui va ordonner l’expulsion générale de tous les Andalous d’Espagne à partir de 1609, il est dit que toutes les tentatives des différents rois, depuis l’empereur Charles Quint en 1526, de christianiser les Andalous, ont échoué (1).
On constate donc que l’idée de l'expulsion générale des Andalous, nourrie au lendemain de la chute de Grenade en 1492, est sur le point de se réaliser au début du 17ème s. (2).
Les Andalous n’ont jamais accepté leur christianisation en Espagne. Depuis le 11ème siècle et au fur et à mesure qu’ils perdaient du terrain devant l’avance de la Reconquista (reconquête menée en Espagne par les chrétiens contre les musulmans), les Andalous négociaient des traités de reddition qui leur reconnaissaient la pratique de leur religion et de leur langue.
Ces Andalous nouvellement soumis étaient appelés Mudejares par les autres Andalous.
Mais il n’en sera plus de même lorsque le dernier bastion andalou, Grenade, tombe entre les mains des Chrétiens. Le traité signé entre les Rois catholiques (Ferdinand et Isabelle) et les Andalous vaincus, traité qui reconnaît à ces derniers la pratique de leur religion et de leur langue est très vite rompu par les Chrétiens. Car, cette fois-ci le rapport de forces est définitivement du côté des Espagnols. Ceux-ci donneront à choisir aux Andalous, entre leur christianisation ou leur expulsion d’Espagne.
Les Andalous de Grenade se révoltèrent à plusieurs reprises, avant d’entreprendre un soulèvement important en 1568-1569, réprimé dans le sang. Les rebelles grenadins vaincus sont expulsés du royaume de Grenade et acheminés vers les autres royaumes d’Espagne, en particulier en Castille.
D’autres soulèvements importants eurent lieu dans le royaume de Valence.
Lors de ces soulèvements, les Andalous sollicitaient l’aide des Ottomans d’Alger.
D'autre part, à partir de 1570, les Andalous de Valence établirent des contacts avec la France, en passant par l’intermédiaire des Andalous d’Aragon (3).
fin de l'Introduction
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Notes de l'Introduction
(1) - « Après leur conversion et leur baptême, ces gens sont généralement revenus à leurs erreurs, ou pour mieux dire, ils ne s’en sont jamais écartés. Le Saint Office de l’Inquisition a usé avec eux, à de nombreuses reprises (et) avec son zèle habituel, d’une grande douceur et miséricorde, comme s’il s’agissait de jeunes enfants ; car, en effet, s’il les avaient traités comme des Vieux-Chrétiens, il est évident qu’il aurait pu tous les brûler ».
Mémoire adressé par le Conseil pour l’Instruction des Morisques au roi Philippe III (1598-1621), Réf: Rodrigo de Zayas, Les Morisques et le racisme d’État, Paris, 1992, 755 pages, p. 423. Retour au texte
(2) - A propos de cette expulsion qui commença en 1609 pour se terminer en 1614, Richelieu dira que c’est « le plus hardi et le plus barbare conseil dont l’histoire de tous les siècles précédents fasse mention », Réf: Henri Lapeyre, Géographie de l’Espagne morisque, Paris, 1959, 280 p. + Cartes + Index, Introduction, citant les Mémoires de Richelieu.
D’après une autre source, Richelieu disait à propos de cette expulsion qu'elle était « l’acte le plus barbare de toute l’histoire de l’humanité », Réf: H. Kamen, Histoire de l’Inquisition espagnole, Paris, 1966, p. 125. Retour au texte
(3) - Florencio Janer (1831-1877), Condición social de los moriscos de España, Madrid, 1857, 378 pages, p. 277-278. Retour au texte
Fin des notes de l'Introduction
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